En se remémorant tout ceci, Eireen se souvint de la force, de la puissance, de cette grandeur qui se dégageait de ce Consul ce jour-ci. Un nouveau flash lui rappela comment, dans la chambre, il demanda à ceux qui l’escortaient d’embraser l’encens et de déposer leurs offrandes, un coffret contenant de la soie et un autre de l’argent. Puis, discrètement, il les congédia, pour rester seul avec elle. Il la dévêtit, lentement, avec volupté. À chaque vêtement qu’il ôtait, ses douces mains caressaient les parties du corps mis à nu. Ses lèvres l’effleuraient et y déposait des milliers de doux baisers. Pour qu’elle s’allonge en toute confiance, il lui avait pris la main en douceur et l’avait invitée à se coucher. Elle était nue et il prenait soin d’elle. Puis, il avait enveloppé délicatement tout son corps d’un doux parfum sucré qu’il avait apporté. Elle se laissait faire, tant de douceur, tant de volupté l’envoutait. Elle ne cherchait point à cacher son corps sous une couverture, au contraire, elle exposait sa nudité. Elle offrait à ses mains, à ses lèvres, toute la douceur de sa peau, ainsi que ses seins fermes et ronds.

De nouveau dépouillée de tout artifice, elle franchit le seuil de la porte. La chaleur était intense. Le feu vivace colorait les lieux couleur sang. La déesse entra. Plantée devant le trône, Medb régnait comme le démon aux enfers. Eireen distinguait à peine la reine. Elle aperçut le tranchant des haches. Quelque chose la figeait à l’entrée de la pièce. Mais contre toute attente, ce n’était pas la peur qui la paralysait. Eireen fit prudemment quelques pas. Lentement, elle contourna ce gigantesque foyer. Les deux femmes se faisaient face. Eireen avança encore. L’or reflétait l’ambre. Le crépitement des braises accompagnait le silence de cette rencontre et la rendait plus solennelle. Un temps s’écoula, nulle ne bougea. Le duel à distance avait pourtant tout l’engagement d’un corps-à-corps.

Eireen finit par poser un genou à terre. La reine posa la lame d’une de ses haches sur l’épaule d’Eireen, qui releva la tête d’un air de défi. Mais Medb appuya sur le manche de son arme. Eireen s’effondra à genoux face aux ténèbres. Le tranchant de la lame, se frayait à présent un chemin sous la rivière d’or, caressant le cou de la belle captive. Lentement, la lame remonta, effleura ses joues. Un filet de sang provenant du lobe de l’oreille la stoppa. Puis, soudainement elle arracha l’or et le diadème. Le visage de la déesse apparut à la reine. Medb recula d’un bond et s’affaissa sur son trône. Elle lâcha immédiatement ses armes et présenta ses avant  bras.  Eireen put lire son nom tatoué au plus profond du bras droit. Debout face à la reine elle étendit ses bras et débarrassa Medb de son masque de pierre. Leurs lèvres se rencontrèrent doucement par petites touches. Puis un sourire égaya les ténèbres, et Medb mordilla Eireen. La déesse recula près du feu pour y jeter son ultime parure. La soie blanche tachée de son sang brûla dans celui-ci. Nue, à genoux, elle interpella la reine :

- Ma reine!

- Mon amour !

Sur l’une des dernières croix relevées par les démons, Eireen vit le petit Chearan. La jeune femme hurla et tenta de rejoindre les cavaliers. Maximus chercha à s’interposer, mais le manche de l’épée de la guerrière heurta violemment le menton du Romain. Maximus fut presque assommé par le coup. Le second fut porté avec le plat de lame sur son casque. Le Romain était maintenant à genoux aux pieds de son épouse. Elle posa lentement le tranchant de la lame sur sa nuque et elle lui hurla :

« Retire tes légionnaires qui barrent nos portes ou c’est ta tête que je vais retirer de ton corps ! »

Maximus, sonné comme un boxeur, à genoux aux pieds de son épouse, redressa sa tête, ôta son casque, et présenta sa gorge. Quelques secondes s’écoulèrent. Eireen leva l’épée à hauteur de sa tête, prête à la décapitation. Elle lui ordonna à nouveau de retirer ses hommes. Maximus, lentement, d’une voix douce, lui répondit :

« Au moindre battement des portes, au moindre mouvement de nos hommes, les croix sur la plaine s’embraseront.